samedi 28 juillet 2018

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La religion pour moi est un transport collectif que je ne prends pas. J'aime aller vers ce Dieu, à pieds s'il le faut, mais pas en voyage organisé. 


Extrait de " Meursault, contre-enquête" , de Kamel Daoud.





mercredi 11 juillet 2018

Toutes blessent la dernière tue , Karine Giebel





Premier contact avec la plume de Karine Giebel, glaçant et très perturbant.

Je me suis lancée dans cette lecture de plus de 700 pages en m’imaginant y rester bien 15 jours… hé bien non, ce fut fini en 4 ! Les Chapitres sont très courts, et agissent comme des coups de sabre. Rapides, précis, blessants. Faciles à lire en dépit de la dureté du sujet et au suspens très efficace.

L’auteure traite de l’esclavage domestique des mineurs en France, et de la maltraitance des enfants en général.

Sujet douloureux et qui met très mal à l’aise, quand on pense que ça concerne tant de vies innocentes, de nos jours encore et dans un pays comme la France…

Tama, la fillette dont il est question dans ce roman noir, est une petite marocaine de 8 ans.

Tout ce qu’elle subit est terrifiant, et je serais bien tentée de dire «  inhumain », mais je me dis que si, justement, c’est très humain au contraire. Ça fait froid dans le dos de constater tout ce dont l’homme est capable de faire subir aux plus faibles.

Par plus faibles j’entends : les animaux et les enfants. Les femmes aussi, quand le tortionnaire est un homme, mais les femmes aussi peuvent être des tortionnaires, et de la pire espèce.

Les enfants qui finissent esclaves dans les pays riches sont vendus par leurs parents. Des filles principalement, puisqu’elles ont toujours eu moins de valeur que les garçons. Enfants venus d’Afrique ou d’Asie, dont les parents pensent (naïvement ?) qu’ils pourront ainsi avoir une chance de s’en sortir dans la vie.

-        -  " Laissez-moi votre fille, je l’emmène avec moi en France. Elle ira à l’école et fera de bonnes études. En contrepartie elle m’aidera pour les tâches ménagère " dit-elle dans un grand sourire fourbe. " J’ai connu sa mère jadis. On est du même village ! Miskina (la pauvre), elle aurait été contente que sa fille ait un avenir meilleur…"

- "  D’accord, d’accord…va avec la dame ma fille, et soit bien obéissante, ne fais pas honte à ta famille."

Entre-temps : monnaie, monnaie.
En   

 D        Départ en France, confiscation des papiers d’identité, esclave.


On a beau « savoir » que ça existe, pour en avoir entendu parler, n’empêche que le fait de lire toute cette horreur étalée sur papier, sous forme d’un récit, avec des personnages attachants, ça retourne les tripes.

Les bourreaux d’enfants sont monsieur et madame tout le monde, aussi bien le cadre dans sa grande maison que le traîne savates dans sa cité. 

Le déclencheur ? Avoir sous la main un être vulnérable, qui n’a pas d’existence officielle et qui dépend entièrement de son «  maitre ».

8 ans c’est l’âge idéal. Plus jeune c’est pas capable de bosser convenablement. Plus vieux ça a déjà pris des plis et ça prend plus de temps à dresser. Et quand on achète un esclave, on veut le moins d’emmerdes possible.

En fouillant un peu sur internet, je suis tombée sur des témoignages d’anciens esclaves…et ce qui est décrit dans ce livre n’est pas du tout exagéré, ça s’est produit et ça continue de se produire, derrière les fenêtres closes et les sourires de convenance. A vomir.

En parallèle de la vie d’esclave de Tama, l’auteure développe aussi toute une histoire qui vient se greffer sur la route de Tama et la fait basculer dans d’autres découvertes, d’autres sentiments…

J’encourage vivement cette lecture car elle touche et nous force à ouvrir un peu plus nos consciences et affûter notre vigilance.

Peut-être que votre voisin, ce monsieur (ou cette dame), tellement charmant, serviable et propre sur lui cache-il une petite Tama dans sa buanderie ?

Bonne lecture.





samedi 7 juillet 2018

Adhira, fille de la pluie, Anjali Mitter Duva





Anjali Mitter Duva nous offre ici un très beau roman historique, qui se déroule à Jaisalmer, petite ville du Rajasthan, au nord de l’Inde. Le récit nous transporte au 16ième siècle et aborde un monde qui m’était totalement inconnu, celui des danses sacrées hindoues, et leur servantes : les devadasis.

Adhira sera l’une d’elles. Née en 1554 par un jour de pluie, le fait est exceptionnel dans le désert et  son père y verra un signe divin. Maitre de danse dans un temple sacré dédié au Seigneur Krishna, il scellera ainsi le destin de sa fille.

L’histoire nous est racontée par Adhira elle-même, femme singulière qui a le don de lire dans le cœur et les pensées de ses proches. Elle se penche ainsi tour à tour sur chaque membre de sa famille et quelques personnes du temple, dressant un portrait en mosaïque de la vie des gens en ce temps-là.

J’ai beaucoup aimé la plume de l’auteure et sa façon de traiter chaque personnage, avec profondeur, douceur et pudeur. Il émane de son récit une grande humanité, une chaleur et des descriptions très imagées qui m’ont d’emblée  transportée dans ce désert hindou, rythmé par les danses sacrées, coloré par les saris chatoyants des femmes,  et le son des bangles à leurs poignets.

La danse sacrée et le monde des devadasis sont bien sûr l’axe de ce roman, mais au-delà, l’auteure nous parle de destinée, de la nécessité de s’adapter aux changements pour survivre et continuer de transmettre la tradition, même si c’est sous une autre forme. 

Elle nous parle d’amour.  L'amour d’une mère pour ses enfants et son besoin de les protéger, l’amour d’un père pour son art, l’amour entre frères et sœurs, celui d’une enfant pour le Seigneur Krishna et toute la création.

Elle nous parle de désillusion, de déception, de chagrin…

Elle nous parle de la vie et des choix qui sont les nôtres, leurs répercussions sur notre avenir et sur celui de nos proches.

Merci, Anjali Mitter Duva pour ce magnifique voyage dans le temps, il a été pour moi très enrichissant.