vendredi 29 mai 2015

Les Enfants du Khan, d'Armand Herscovici






Ce roman est un merveilleux récit historique sur les quelques décennies qui ont suivi la disparition du fondateur de l’Empire mongol : Gengis Khan. 

Ses fils et petits-fils ont repris le flambeau et poursuivi l’œuvre de leur illustre aïeul. Ils ont bataillé et imposé leur domination sur un territoire si vaste, allant des confins de l’Asie à plusieurs pays d’Europe, que cet Empire est considéré comme le plus important de l’histoire.

Avant d’entamer ma lecture, j’ai comme d’habitude jeté un coup d’œil aux dernières pages du livre. Les annexes comportent un diagramme de la généalogie des enfants du Khan, ainsi qu’une liste des personnages que j’allais rencontrer dans le récit, sans oublier un glossaire des termes mongols… et j’avoue que j’en ai frémi !  Je me voyais engluée dans des termes barbares, perdue dans une filiation complexe et entrainée dans des conflits sanglants !

Mais non, pas du tout, rien de tout cela ne s’est abattu sur moi. 

L’auteur a judicieusement choisi de s’exprimer à travers Alagh, un des rares personnages imaginaires de son roman (ils se comptent sur les doigts d’une main, tous les autres ont vraiment existé).

Alagh, donc, est une enfant de sept ans au début de l’aventure. Elle n’est pas mongole, mais issue d’une tribu d’Oyirats vivant sur les rives du lac Baïkal. Dans l’hiver de sa vie, elle se remémore son existence et l’extraordinaire destin qui a été le sien. Tout ce chemin parcouru depuis le terrible drame qui a mis fin à son enfance et sa situation finale. 

Jolie, d’un caractère équilibré et joyeux, elle est intelligente, curieuse et  dotée d’une grande capacité d’adaptation. A travers son regard, le lecteur fait connaissance avec le Khan et sa cour, ses intrigues, ses coutumes, ses lois… 

Dans ce récit, l’accent est mis sur le rôle des femmes dans le pouvoir, de manière directe ou indirecte, selon la personnalité de l’époux en question. 

Les descendants mâles de Gengis Khan n’étaient certes pas tous taillés pour être grands Khans. Certains n’étaient que des ivrognes invétérés, inconsistants et faibles, et dans ce cas la stabilité de l’Empire était assurée par l’épouse qui en avait le charisme. 

C’est ainsi que l’Empire mongol a davantage étendu sa domination durant plusieurs décennies. L’armée faisait preuve à l’égard des peuples envahis soit d’une barbarie sans nom, massacrant, pillant et rasant tout sur son passage, soit d’une tolérance remarquable, respectant toujours les coutumes et la religion de chacun. Leur sort dépendait de leur soumission et allégeance immédiate ou au contraire de leur refus. 

J’ai glissé dans ce roman avec une grande facilité, petit à petit, au fil des ans, aux côtés d’Alagh. Spontanée et quelques fois naïve, elle a donné de la fraicheur à cette belle histoire. J’ai particulièrement aimé la partie qui concerne le règne du Grand Khan Kubilaï, un des petits-fils de Gengis Khan, et sans doute le plus talentueux. C’était un amoureux de la Chine, et il a énormément œuvré pour ce pays, dans beaucoup de domaines. Il a d’ailleurs réunifié la Chine du nord et du sud et fondé la dynastie Yuan.

Voici donc un roman riche, profond, historique (13ième siècle )  et terriblement passionnant que je referme avec déjà beaucoup de nostalgie…


Voici quelques extraits du roman : 

* ..j'avais mieux compris le statut des femmes qu'on échangeait contre des chevaux, des chameaux et des moutons pour leur mariage, mais qui, une fois épousées, avaient une mainmise absolue sur toute la maisonnée, tandis que l'homme bataillait au loin des semaines, des mois ou des années durant. A moins qu'elles ne participent aux combats, à l'égal des impétueux guerriers, chevauchant et maniant l'arc aussi bien qu'eux.

*  Ainsi va la vie. A fréquenter les grands, à entrer dans leur jeu, on s'imagine compter. A les écouter, à dialoguer avec eux, on pense qu'une relation personnelle s'est nouée. Et un jour, sans que l'on ait rien fait de plus ou de moins que d'habitude, tout s'effondre, et on s'aperçoit qu'en réalité, les rapports privilégiés n'étaient qu'illusion.

*  En regardant mon passé, je me rends compte que je n'ai jamais pu me départir de l'attraction tendre que je ressens pour ceux que j'admire, et qui me traitent ou paraissent me traiter en égale.
Pourtant, l'expérience m'a enseigné que souvent, dans les situations difficiles, les hiérarchies se rétablissent. A mes dépens, bien sûr. Alors? Naïveté de ma part? Candeur excessive? Je ne le pense pas. Pourquoi faudrait-il se priver d'un sentiment affectueux qui vous rend heureux sous prétexte qu'il est temporaire? Certes, on peut en être peiné par la suite. Mais en attendant, on en a joui.
En vérité, je ne regrette rien.


dimanche 24 mai 2015

Le malade imaginaire, L'avare, Les fourberies de Scapin, de Molière





Avec ces trois titres, j’ai fait connaissance avec Jean-Baptiste Poquelin, dit Molière.
Il s’agit vraiment d’un premier contact avec ses œuvres, puisque je n’ai même jamais vu une seule de ses pièces de théâtre jouée.

La langue de Molière m’a ravie. Ce français du 17ième siècle a des tournures de phrases et un vocabulaire qui m’ont enchantée, et les dialogues sont d’un comique tordant !

Molière se sert du rire pour aborder différents aspects de la société qui lui tiennent à cœur. Il y exprime ses idées en faisant le pont entre les vieux principes et ceux, plus modernes et progressistes.

A travers ses pièces, nous entrevoyons les conditions de vie des familles de cette époque (surtout les plus aisées), avec leurs serviteurs, valets, cochers, cuisiniers… etc , et l’éducation des jeunes gens, filles ou garçons, qui devaient se montrer obéissants voire soumis, envers leurs parents et surtout leur père.

Il est presque toujours question de mariages et d’amours contrariés dans ses pièces. A l’époque, les alliances entre familles étaient arrangées et fondées sur les intérêts, mais Molière, résolument moderne, y fait toujours triompher l’amour !

Pour finir, j’aimerais ici retranscrire une scène des fourberies de Scapin qui m’a particulièrement fait rire. Il s’agit de la toute dernière scène de la pièce.
Scapin a joué un mauvais tour à son maître, en se permettant de lui donner des coups de bâton pour se venger de lui, et par peur de représailles, il se fait passer pour gravement blessé et mourant afin de se faire pardonner…

SCENE 13 : Scapin, Géronte, Argante

Scapin : apporté par deux hommes, et la tête entourée de linges, comme s’il avait été bien blessé.
Ahi, ahi, messieurs, vous me voyez… Ahi, vous me voyez dans un étrange état. Ahi ! Je n’ai pas voulu mourir sans venir demander pardon à toutes les personnes que je puis avoir offensées. Ahi ! Oui, messieurs, avant de rendre le dernier soupir, je vous conjure de tout mon cœur de vouloir me pardonner tous ce que je puis vous avoir fait, et principalement le seigneur Argante et le seigneur Géronte. Ahi !

Argante : Pour moi, je te pardonne ; va, meurs en repos.

Scapin, à Géronte : C’est vous, monsieur, que j’ai le plus offensé, par les coups de bâton que…


Géronte : Ne parle pas davantage, je te pardonne aussi.
Scapin : ç’a été une témérité bien grande à moi, que les coups de bâton que je …

Géronte : Laissons cela.

Scapin : J’ai, en mourant, une douleur inconcevable des coups de bâton que…

Géronte : Mon Dieu ! Tais-toi.

Scapin : Les malheureux coups de bâton que je vous…

Géronte : Tais-toi, te dis-je, j’oublie tout.

Scapin : Hélas ! Quelle bonté ! Mais est-ce de bon cœur, monsieur, que vous me pardonnez ces coups de bâton que…

Géronte : Eh ! Oui. Ne parlons plus de rien ; je te pardonne tout, voilà qui est fait.

Scapin : Ah ! Monsieur, je me sens tout soulagé depuis cette parole.

Géronte : Oui ; mais je te pardonne à la charge que tu mourras.

Scapin : Comment, monsieur ?

Géronte : Je me dédis de ma parole, si tu réchappes.

Scapin : Ahi, ahi ! Voilà mes faiblesses qui me reprennent.

Argante : Seigneur Géronte, en faveur de notre joie, il faut lui pardonner sans condition.

Géronte : Soit.

Argante : Allons souper ensemble pour mieux goûter notre plaisir.

Scapin : Et moi, qu’on me porte un bout de la table, en attendant que je meure.






jeudi 21 mai 2015

Au Royaume des Femmes, de Irène Frain






Il y a des romans que l’on termine avec tristesse et quitte avec nostalgie. Et puis il y a ceux qui, la dernière page tournée, nous arrachent un grand soupir de soulagement…
Celui-là en fait partie.

Quand-même, plus de 800 pages, ce n’est pas rien !

Irène Frain est une formidable enquêtrice et narratrice. Elle nous livre ici un récit riche et surtout véridique. 

Jospeh Rock, un américain originaire de Vienne va se lancer dans une aventure de plusieurs années, dès 1923, à la recherche d’une montagne énigmatique, et surtout, du dernier Royaume des Femmes, aux confins de la Chine et du Tibet. 

Dr Rock est un sacré personnage, complexe et haut en couleurs. Il explore la Chine en tant que chasseur de plantes, mais il est en fait beaucoup plus que cela.

Menteur, extravagant, manipulateur, maniaque, tiqué, minutieux, c’est un grand filou certes, mais c’est surtout un homme à l’intelligence aiguisée.  

L’histoire de sa vie montre qu’il est toujours possible de tracer son propre chemin, de jouer un tour de passe-passe au destin que l’on pense tout tracé pour nous.

La longueur du roman a l’avantage de pouvoir y relater avec détails et richesse cette grande aventure de la vie de Joseph Rock, mais en même temps, ce fut un inconvénient pour moi….trop long, trop de descriptions, de retours dans le passé, de petits points superflus à mon goût et qui ont sensiblement alourdi le récit et ont failli (plus d’une fois) me décourager de poursuivre ma lecture.

Finalement, de fil en aiguille, et la curiosité aidant, l’intérêt historique a été plus fort et j’ai pu le lire jusqu’à la dernière ligne !

Ouf !!!!

lundi 4 mai 2015

Elle s'appelait Sarah, de Tatiana de Rosnay





Dans ce roman, l’auteure se penche sur une page sombre de notre histoire : la rafle du Vel d’Hiv, qui eut lieu en juillet 1942, et le destin tragique de milliers de familles juives, séparées, déportées et exterminées.
Le récit se concentre sur une fillette de 10 ans, Sarah, et représente donc un hommage à tous les enfants juifs. Qu’ils soient morts dans les chambres à gaz  ou qu’ils aient réussi à s’échapper, leur vie était brisée.

Depuis le temps que je lis des romans historiques, plus rien ne m’étonne. J’ai pu maintes fois constater que les schémas ne font que se répéter, inlassablement, tout au long de l’histoire de l’humanité, quelle que soit la civilisation concernée ou le siècle.

Les foules sont facilement mobilisables, pour peu que le terrain soit favorable. Instabilité sociale et politique qui engendre inquiétude, besoin de bouc-émissaire, colère, haine et déchainement de violence.
Il y a ceux qui suivent le mouvement, se rangent du côté du plus fort, et décident de fermer les yeux en espérant retrouver un certain confort de vie.
Et il y a ceux qui ne peuvent faire autrement que de suivre et écouter leur conscience, envers et contre tout, les Justes…

Pour en revenir au roman, j’ai trouvé que la plume de Tatiana de Rosnay était simple, accessible, sans lourdeur et donc agréable à lire. L’histoire en elle-même ne m’a pas spécialement « accrochée », n’a pas allumé de flamme en moi.
J’ai passé un bon moment de lecture, mais sans plus.