lundi 27 avril 2015

Reflex, de Maud Mayeras





Une couverture mystérieuse, des avis de lecteurs enthousiastes et voilà que ce roman va rejoindre ma pile à lire !
Pas pour très longtemps, à peine quelques jours après achat et je me lance dans sa découverte…

Je vais commencer par la fin et vous dire tout de suite que c’est une merveilleuse trouvaille, un thriller psychologique, noir et complètement diabolique !

En le lisant, je suis passée par trois états bien distincts :

Tout d’abord j’ai été complètement emballée par l’ambiance oppressante que Maud Mayeras a su tisser dès les premiers mots. J’ai été emprisonnée dans une atmosphère glauque et malsaine sans vraiment savoir où l’auteure voulait me mener, suivant simplement le récit de deux époques.

Ensuite, j’ai été saisie d’une phase de doute, presque de déception, avec l’impression d’une histoire finalement décousue, avec des chapitres sans intérêt pour l’intrigue, que je n’avais d’ailleurs toujours pas réussi à cerner !

La dernière étape a rejoint la première, car j’ai persisté dans ma lecture et je suis revenue dans mon enthousiasme premier lorsque le jour s’est fait petit à petit dans mon esprit.

Je verrais parfaitement une adaptation cinématographique pour ce thriller. Il ouvre une brèche et laisse entrevoir la fange qui tapisse le cerveau de certaines personnes, même celles qui semblent au-dessus de tout soupçon …

vendredi 24 avril 2015

La malédiction du Norfolk, de Karen Maitland





Après «  La compagnie des menteurs », dont l’histoire se déroule en 1348, puis «  Les âges sombres » en 1321, voici le troisième roman de Karen Maitland, paru chez Sonatine. Cette fois-ci le récit se passe en 1210, toujours en Angleterre.

Comme avec ses précédents romans, j’ai lu celui-ci avec une grande passion, et je n’aurais pas décollé mes yeux de ses pages si je n’avais pas été obligée de dormir la nuit et de vaquer à quelques occupations la journée !

L’auteure a choisi, pour son intrigue moyenâgeuse, un contexte politique et religieux tendu. Entre la menace d’une guerre contre la France et l’interdit papal, Elena, notre jeune serve de 15 ans, va voir sa vie et ses espoirs basculer dans un gouffre sans fond, englués dans les superstitions et la magie.

La malédiction du Norfolk est avant tout un thriller fantastique, mais brodé sur des faits historiques, parmi lesquels l’on peut citer :
-        Les répercussions de l’interdit religieux sur la vie de la population.
-        La bataille des croisés en Terre Sainte, sous les ordres de  Richard Cœur de Lion, et les massacres de Saint-Jean-d’Acre.
-        La condition des castrats dans l’église catholique.
-        La description et l’organisation d’un village de cette époque, dans une région marécageuse.


Enfin, il faut souligner la prédominance du côté magique dans ce récit, bien qu’il ait été aussi présent dans les deux précédents romans de l’auteure. Mais cette fois, la sorcellerie a une place de choix, avec notamment celle qui sera notre guide tout au long des pages : Yedua la mandragore d’essence divine, comme elle se décrit elle-même.
Chaque chapitre sera d’ailleurs précédé d’une description extraite de l’herbier de cette fameuse mandragore. Cela donnera au lecteur un aperçu des remèdes et utilisations de diverses plantes, animaux ou minéraux au moyen-âge.  


4ième de couverture:


1208: le pape Innocent III, en conflit avec le roi Jean, prononce un interdit sur tout le royaume d'Angleterre. Les églises et les cimetières sont fermés, le haut clergé quitte le pays, les prêtres ont défense de célébrer les offices ou de conférer les sacrements - ni confession, ni mariage, ni extrême-onction.
S'ensuit un véritable chaos spirituel dans le royaume, notamment chez les plus démunis, ceux pour qui la foi est le seul recours. C'est dans ce contexte particulièrement difficile qu'une jeune paysanne, Elena, est appelée au service du seigneur de Gastmere, dans le comté de Norfolk.
Là, on l'oblige à s'adonner à un étrange rituel, celui des " mangeurs de péchés", consistant, en l'absence d'extrême-onction, à prendre sur sa conscience tous les péchés non expiés d'un mourant.
Cette cérémonie va être le début d'une tragique descente aux enfers pour la jeune fille, qui se retrouve bientôt accusée de meurtre. Son cauchemar ne fait que commencer...





vendredi 17 avril 2015

L'architecte du sultan, de Elif Shafak





Après «  Soufi, mon amour », « l’architecte du sultan » est la deuxième merveille à passer entre mes mains, et Elif Shafak fait désormais partie de mes auteurs favoris !

J’aurais tellement de choses à dire sur ce roman que je ne saurais même pas par où commencer.

Je viens tout juste d’en terminer la lecture, et mon cœur est lourd d’émotions. Ce livre m’aura apporté joie, tristesse, enchantement, rêve, magie ….
Rien que la couverture est une invitation au dépaysement exotique, et sitôt la première page tournée nous voilà transporté au 16ième siècle, au cœur de l’empire ottoman.

Istanbul, la ville aux sept collines m’a happée, envoutée, emprisonnée dans ses filets, tantôt ornés de richesse, exubérance, finesse, et tantôt entachés de malheurs, pauvreté, calamités et deuils.

C’est un magnifique conte oriental que l’auteure a truffé de faits et personnages ayant vraiment existé.
Le titre du livre incarne à mon sens deux hommes : l’architecte impérial Sinan, figure historique qui aura marqué Istanbul et ses environs d’innombrables constructions (Mosquées, ponts, hôpitaux, ..) et qui  ont traversé les siècles jusqu’à nos jours. Et puis il y a Jahan, le héros de notre roman, un personnage fictif qui endossera le rôle d’un des quatre apprentis de maître Sinan. En fin de compte, il sera lui aussi un grand architecte.

Jahan arrivera dans le joyau de l’empire ottoman à l’âge de 12ans en compagnie de Chota, un éléphanteau blanc. Ensemble ils grandiront comme deux frères et seront confrontés aux turbulences de la vie.
A travers l’histoire de Jahan, Elif Shafak nous plonge dans ce siècle de magnificences  et de cruautés.

Je suis enchantée par ce roman. Je ne me suis jamais ennuyée, à aucun moment, tant l’écriture est rythmée, fluide et prenante. Difficile également de quitter tous les personnages, aussi attachants les uns que les autres…

Excellente lecture. 



Quelques extraits du roman: 

* Si Jahan voulait survivre dans le sérail, décida-t-il, il devait se construire un harem intérieur et y mettre sous le verrou chaque peur, souci, secret et chagrin d'amour qui avait terni son âme. Il serait à la foi le sultan et l'eunuque de ce harem. Et n'autoriserait plus personne à y jeter un coup d’œil. Y compris son maître. 

*  Le centre de l'Univers n'était ni à l'est ni à l'ouest. Il était là où on se soumettait à l'amour. Parfois c'était l'endroit où on enterrait un être aimé. 

*  Comme c'était étrange. Pendant qu'il courait après des rêves qui n'arriveraient jamais et en voulait à la vie de les lui refuser, des gens lui étaient venus en aide sans attirer l'attention sur eux-mêmes. Des gens qui avaient donné sans rien attendre en retour. 

*  Majnoun Shayk parlait d'amour - de Dieu et de nos frères humains, de l'Univers dans sa totalité jusqu'à la plus infime particule. La prière devrait être une déclaration d'amour, d'un amour dépouillé de toute anxiété ou attente, disait-il. Il ne fallait ni craindre de bouillir dans un chaudron ni rêver de vierges houris, puisque l'enfer et le ciel, la souffrance et la joie, se trouvaient ici-bas maintenant. Combien de temps allez-vous rester éloignés de Dieu, demandait-il, au lieu de vous mettre à l'aimer ? 

*  ... Sinan dit que le savoir, ilm, était un carrosse tiré par de nombreux chevaux. Si l'un des destriers se mettait à galoper plus vite, les autres chevaux devraient accélérer eux aussi, et le voyageur du carrosse, alim, en bénéficierait. Le progrès dans un domaine entraîne le progrès dans d'autres. L'architecture doit être amie de l'astronomie; l'astronomie de l'arithmétique; l'arithmétique de la philosophie, et ainsi de suite. 

*  Jahan avait le sentiment qu'en vérité ce monde lui aussi était un spectacle. D'une manière ou d'une autre, tous paradaient. Ils exécutaient chacun leurs tours, certains restaient en place plus longtemps, d'autres étaient plus brefs, mais pour finir ils sortaient tous par la porte du fond, tous également insatisfaits, avec la même soif d'applaudissements. 

*  Les quatre faces du Taj Mahal sont dessinées à l'identique, comme s'il y avait un miroir situé sur un côté, sans qu'on puisse jamais dire lequel.
La pierre réfléchie dans l'eau. Dieu réfléchi dans les êtres humains. L'amour réfléchi dans le cœur brisé. La vérité réfléchie dans les contes.
Nous vivons, travaillons, mourrons sous le même dôme invisible. Riches et pauvres, mahométans et baptisés, libres et esclaves, hommes et femmes, sultan et cornac, maître et apprenti...
J'en suis venu à croire que s'il existe une forme qui parle à chacun de nous, c'est le dôme. Là toutes les distinctions sont abolies et chaque son, de joie comme de chagrin, se fond dans le vaste silence d'un amour qui embrasse tout.
Quand je me représente notre monde sous ces traits, je me sens étourdi et désorienté, ne sachant plus dire où commence le futur; où se couche l'Occident et où se lève l'Orient.