samedi 21 décembre 2019

Régression, Fabrice Papillon





Le titre et la couverture de ce roman ne laissent planer aucun doute, il s’agit bien d’une régression de l’homo sapiens moderne vers un état préhistorique. Pourquoi, comment, où ? C’est là que va s’exprimer tout le talent de Fabrice Papillon

Régression est un roman mêlant plusieurs genres. Le récit débute comme un roman policier classique, avec une macabre découverte sur l’Ile de Beauté, suivie d’une enquête menée conjointement par la gendarmerie et la police criminelle.

Mais voilà, les évènements vont s’enchainer, les indices s’accumuler, les incohérences et l’incompréhension vont embrouiller l’esprit des enquêteurs, glissant progressivement vers ce que je qualifierais de science-fiction, peut-être même de fantastique. 

Les meurtres vont se multiplier, entrainant les forces de l’ordre à travers toute l’Europe, et mettant au jour un incroyable secret qui se transmet d’âme à âme, depuis des milliers d’années. 

Ce roman est non seulement passionnant, distrayant, mais aussi extrêmement instructif. Car le sillage de ce fameux secret remonte le temps, faisant des haltes à différentes époques, dans différents lieux et zoomant sur les grands noms de notre Histoire, tels que le grand poète Homère, le philosophe Socrate, Jésus, Michel-Ange ou encore Nietzsche.   

Le but du roman est d’alerter l’homme moderne sur son comportement néfaste envers les autres espèces, les plus faibles et la Terre Mère depuis la nuit des temps.
Peut-il continuer impunément à se prendre pour le maître du monde ? 

L’auteur s’appuie sur une foule de références scientifiques et historiques ( dans un style accessible et clair), rendant le récit très crédible, et poussant le lecteur à s’interroger et approfondir ses connaissances dans tous les points abordés. 

A noter que le dénouement m’a surpris. Je ne m’attendais pas à ça ! 

En ce qui concerne la plume de l’auteur, je l’ai trouvée très agréable, fluide, et le portrait des différents protagonistes bien travaillé. Les deux principaux étant une capitaine de gendarmerie corse, Vannina Aquaviva, et un flic parisien, le commandant Marc Brunier. Chacun ses tourments et ses petits secrets…

Si j’ai bien compris, on retrouve le flic dans le précédent roman de l’auteur : «  Le dernier hyver ». Je le note donc dans ma liste à lire !

Bonne lecture :-)



mercredi 27 novembre 2019

Un(e)secte, de Maxime Chattam





Un(e)secte est un thriller Chattam pur jus. Je l’attendais avidement et ne fus pas déçue, comme d’habitude.

Le titre et la couverture sont assez explicites pour deviner qu’il est question d’insectes et d’une secte dans ce récit. C’est le cas et je n’en dirai pas plus, il faut le lire.

Le roman est un page-turner efficace, addictif. Je ne me suis pas ennuyée une seule seconde en sa compagnie. 

Comme à son habitude, l’auteur va extirper la noirceur et le Mal qui ronge notre humanité, et met tout cela en scène en exploitant un scénario que j’ai trouvé un peu loufoque, je l’avoue. 

Un(e)secte serait-il un thriller qui flirte avec la science-fiction, voire avec le fantastique? Et bien je l’ai cru tout au long de ma lecture, jusqu’à terminer le roman et lire les quelques lignes qui figurent dans les remerciements de Maxime Chattam, en fin d’ouvrage…. Quelle claque ! 

L’auteur s’est bel et bien appuyé sur des recherches et révélations véridiques!!

La dangerosité de l’Homme n’a-t-elle pas de limite ? 

Bonne lecture.




dimanche 17 novembre 2019

Batouala, de René Maran





Il s’agit ici d’un recueil de deux nouvelles : la plus longue porte le titre de « Batouala », et la seconde, nettement plus courte, s’intitule «  Youmba la mangouste ».

Batouala a remporté le prix Goncourt en 1921, mais en le lisant je ne lui ai rien trouvé de spécial. La faute au temps qui passe et à l’évolution des mentalités (heureusement). 

En replaçant ce récit dans le contexte de l’époque, cela prend une toute autre dimension. On se rend alors compte de l’audace de René Maran et du tollé que ce court roman a dû engendrer à sa publication !  Un récit sur les « nègres », écrit par un «  nègre » (en reprenant le terme de l’époque). Il fallait le faire, à une époque où les noirs étaient considérés comme des moins que rien, des êtres sans intelligence ni conscience, moins que des animaux.

L’auteur nous transporte en Afrique équatoriale, aux côtés de Batouala, grand chef respecté de la brousse. Il nous conte son quotidien, sa vie de "mâle dominant" entouré de ses nombreuses épouses, de son petit chien roux aux oreilles pointues, de ses traditions, de la succession des saisons, de la chasse et des rivalités et jalousies entre guerriers. La plume de René Maran a quelque chose de poétique. Il nous apporte quantité de descriptions et nous transmet quelques légendes du peuple de la brousse. Des histoires qui se transmettent de génération en génération, depuis la nuit des temps. 

L’homme blanc est évidemment présent dans ce récit, puisque la France a colonisé cette partie de l’Afrique. Il n’est pas le centre de cette histoire et n’est pas abordé de front, mais je dirais plutôt qu’il est évoqué, comme une présence dérangeante et malfaisante, en périphérie de la vie des habitants originels de la brousse. 

Le «  Commandant » est souvent cité. Il est craint et haïs, et on comprend bien tous les bouleversements qu’il apporte, aussi bien sur place en modifiant le style de vie des noirs, mais aussi en charriant avec lui cette menace d’un ailleurs qu’ils ne connaissent pas, cette France lointaine mangeuse de tirailleurs africains, pour une guerre qui ne les concerne pas.

Avant de se plonger dans le récit proprement dit, il est très important de ne pas négliger la lecture de la préface. L’auteur y apporte un éclairage particulier sur la construction de son roman, et on comprend mieux tout le poids de cet écrit. Moi qui m’attendais à quelque chose de beaucoup plus dur, d’une sorte de dénonciation brutale des conditions de vie des noirs, j’ai trouvé au final ce récit très «  soft ». Alors lorsqu'on sait la tempête qu’il a soulevée dans les années 20, on prend la mesure du climat de la planète à cette époque ! 

Je vais écrire quelques lignes à présent sur la deuxième nouvelle.

Au départ, je ne voyais pas bien l’intérêt d’écrire une histoire sur la vie d’une mangouste. Si ce n’est l’occasion de décrire la brousse et ses habitants, la saison des pluies, la saison sèche et les conflits humains qui obligent toute cette faune à rester sur ses gardes. 

Et puis en prenant du recul, j’ai compris. René Maran, à l’image de La Fontaine, nous a présenté un genre de fable, en prenant une mangouste pour emblème (pourquoi pas après tout ?), afin de dénoncer les relations entre blancs et noirs. La mangouste représente le noir, et l’humain qu’elle côtoie (un noir qui lui a permis de vivre dans sa case en échange de ses services de chasseuse de nuisibles), représente le blanc. 

Je n’en dirai pas plus sur cette interprétation, car je pense qu’il appartient à chacun de comprendre à sa manière. 

J’ai lu ce recueil de nouvelles en format numérique. Le tout fait 154 pages et je pense qu’il est intéressant de le lire, ne serait-ce que pour sa valeur historique et la richesse de ses descriptions.

Bonne lecture. 




lundi 28 octobre 2019

LOST MAN, de Jane Harper




Après « Canicule » que j’ai beaucoup aimé, «  Sauvage » que je n’ai pas encore lu, voici le troisième thriller australien de Jane Harper : Lost Man
 
J’ai adoré ! L’ambiance, le décor, l’intrigue, les personnages. Tout.

L’histoire tourne principalement autour de trois frères : Nathan, l’ainé, Cam (pour Cameron) le deuxième qui est ce fameux lost man retrouvé mort de soif dans le désert, et enfin Bub le plus jeune frère.

Jane Harper pose son intrigue au cœur de l’Outback australien, autrement dit ce grand désert aride et impitoyable qui occupe la majeure partie de l’Australie. 

Cam est retrouvé par Bub au pied d’une ancienne tombe, mort de soif. Son 4x4 étant quant à lui découvert à neuf kilomètres de là, intact, et le coffre plein de nourriture et d’eau. 

Qu’est-ce qui a poussé cet enfant du désert à s’aventurer si loin de son véhicule, sans eau et sans avoir tenté un contact radio pour signaler un quelconque problème ?

Toute l’intrigue se déroule ensuite à travers les yeux et les souvenirs de l’ainé, Nathan.
On sent dès le début que quelque chose cloche dans cette mort. Il y a un manque de logique dans cet acte tragique, et on devine que quelqu’un est derrière ce drame. Mais qui ?

Au fil des pages, la famille Bright est mise à nu. Les deux frères restants, leur mère, la femme et les filles de Cam, les employés… tout le monde y passe. Les trahisons sont révélées, les souvenirs refont surface, les vieilles querelles, les blessures et traumatismes communs. Le passé est exhumé pour tenter de percer le mystère de la mort de Cam. 

J’ai porté mes soupçons sur les uns et les autres, mais la fin m’a soufflée. Vraiment, je ne m’y attendais pas… Telle une touriste égarée, je me suis perdue dans l’outback, j’ai erré, espérant trouver La source d’eau, mais au final j’ai tourné en rond et j’ai bien failli mourir de soif, avant les toutes dernières pages révélatrices.

Au-delà de l’intrigue, on apprend pas mal de chose sur cet univers particulier, la vie des gens dans ce coin reculé, l’organisation des fermes démesurées qui quadrillent ces terres arides, sableuses, rocailleuses, stériles. Le soleil et la chaleur qui ne pardonnent pas et obligent à une vigilance de chaque instant. 

Lost Man est un excellent thriller : dépaysant, les personnages sont bien mis en relief et l’intrigue est redoutable.

A lire absolument !


             

Extrait, page 68:

" La nuit, quand le ciel semblait encore plus vaste, il pouvait presque s'imaginer en train de marcher au fond de la mer, un million d'années en arrière. Un million d'années au cours desquelles un million d'évènements naturels devaient encore avoir lieu, l'un après l'autre, pour façonner cette terre telle qu'elle se déployait aujourd'hui sous ses yeux. Cet endroit où les rivières débordaient sans même qu'il pleuve, où des coquillages fossilisés s'empilaient à mille cinq cents kilomètres de la mer et où les hommes qui abandonnaient leur voiture marchaient vers une mort certaine. "

vendredi 18 octobre 2019

L'écriture




L’écriture manuscrite a-t-elle toujours un sens, de nos jours ?

A l’heure du tout numérique, de l’intelligence artificielle, de l’ami «  Google » et des machines qui prennent le relai de nos moindres efforts intellectuels, écrire à la main a-t-il une réelle utilité ? N’est-ce pas démodé ?

En suivant l’évolution de l’enseignement depuis quelques années, et les promesses à venir, il y a fort à parier que stylos et cahiers seront bientôt considérés comme des objets d’antiquité, exposés dans les musées des temps anciens.

Hier, stylos-plume et buvards étaient de rigueur. Aujourd’hui, le stylo-bille est la norme, plus maniable, moins salissant, plus pratique. Demain, exit tout ce tralala encombrant, place sera faite à une simple tablette tactile, légère, d’une mémoire prodigieuse, connectée. Elle remplacera stylos, cahiers et manuels scolaires. Fini les scolioses et autres torsions du bras. Au placard les gros cartables à roulettes.

Nos bambins n’auront plus qu’à exercer leurs index au «  sélectionner », «  glisser », indispensables au maniement des écrans tactiles.

Dans la foulée, il deviendra de plus en plus inutile d’approfondir ses connaissances et mémorisations grammaticales et autres réjouissances, rendues obsolètes par la correction automatique des logiciels informatiques. 

Dans le monde des adultes, l’écriture manuscrite est quasiment déjà au rang de la préhistoire, puisque presque tout se fait par mail et internet en général. Même les vœux de bonne année sont envoyés le plus souvent par simples textos.

La correspondance informatique est instantanée et peu onéreuse. L’écriture se modifie, les mots sont abrégés. Il faut que cela aille vite, car nous sommes dans un monde où tout file à toute allure, le temps c’est de l’argent, nous visons la satisfaction immédiate de nos attentes.

Et pourtant…

L’Histoire de l’humanité ne débute-elle pas avec l’invention de l’écriture, quelques 3500 ans avant J-C ?

A ses débuts, l’écriture n’était-elle pas considérée comme un art, ou une science ? Une science qui recèle le mystère de la pensée ? Des caractères assemblés qui matérialisent et perpétuent l’histoire et tout le savoir de l’humanité ? 

L’écriture manuscrite peut être considérée comme appartenant à un monde à part. Il y a tout un univers qui l’englobe, avec ses rituels et ses règles. Cela peut être très poussé, dans certaines cultures, où l’écriture est régie par tout un tas de conventions qu’il serait impoli de négliger.

Aujourd’hui encore, peut-être même plus qu’hier, écrire à la main dans certaines circonstances, pour certains évènements, revêt une grande importance, pour soi et pour celui qui reçoit, et peut apporter de grands bénéfices.

Prendre la peine de se poser pour écrire, c’est créer une bulle hors du temps autour de soi. Choisir son papier, sa texture, sa teinte, son format, ses outils d’écriture : stylo-bille, stylo-plume, pinceau, la couleur de l’encre, et se concentrer afin de formuler ses pensées, ordonner ses idées.
Tout cela, c’est personnaliser et personnifier son écriture. 

Écrire à la main, avec son propre style, c’est offrir un peu de soi. Chacun de nous se reflète dans son écriture, indépendamment de sa beauté, de sa régularité ou de tout autre critère esthétique.

Coucher sur le papier ses pensées, ses émotions, c’est transmettre son souffle, un bout de son âme, de son essence, de sa chaleur. C’est un don de soi.

Ne risque-t-on pas de se perdre définitivement en abandonnant l’écriture manuscrite ?

A méditer…