jeudi 26 septembre 2019

Les Nobles, de Dokmaï Sot






Lorsque j’ai lu le titre de ce roman, accompagné de sa charmante couverture, j’ai tout de suite pensé qu’il s’agissait d’un récit autour de la noblesse thaïlandaise. 

En vérité, le sens de ce mot est beaucoup plus profond, il s’agit de la noblesse de cœur, celle qui régit notre vie, la justesse de nos principes moraux et de nos actions envers autrui.

L’histoire se passe au pays de Siam, dans les années trente. Wimon, l’héroïne, fait effectivement partie de la noblesse thaï. Elle appartient à une famille très riche, dont le père est un haut fonctionnaire estimé et titré par le Roi.
D’une grande beauté, parfaitement éduquée selon les principes des Phou Di (que l’on peut traduire par des personnes comme il faut, sachant se comporter convenablement en toutes circonstances), elle vit avec sa famille élargie au sein d’une immense demeure, à Bangkok. Père, épouses, concubines, enfants de divers lits et serviteurs, cohabitent dans cette bonne société, sans soucis du lendemain.

Mais à 21 ans, l’âge du passage à la vie adulte, Wimon voit tout son univers basculer à la suite d’un drame familial. Et la voilà précipitée dans un abîme de difficultés, la faisant choir de sa condition sociale. Le reste du récit lui donnera l’occasion de mettre en application cette fameuse noblesse de cœur. 

En début d’ouvrage, il y a deux listes : l’une avec le nom des principaux personnages que l’on va rencontrer tout au long de la lecture, et l’autre comportant les titres utilisés soit par politesse soit qu’ils correspondent à une certaine hiérarchie. Nous sommes bien loin des simples «  Madame, Monsieur, Mademoiselle » de l’occident ! 

J’ai dû me référer très souvent à ces listes au début de ma lecture, disons jusqu’aux cent premières pages. Les noms thaïs et tous ces titres m’ont embrouillé l’esprit et ont fait que j’ai peu accroché au récit pendant les quelques premiers chapitres. 

Une fois accoutumée à ce nouvel univers, j’ai pris conscience de la richesse et de la profondeur de cette œuvre de Dokmaï Sot. Sa plume est particulière, elle s’attache à décrire les sentiments, les postures et jusqu’aux moindres frémissements des différents protagonistes. Ce récit est un témoignage des mœurs et coutumes de la société thaïlandaise de cette époque.

Très axée sur les valeurs bouddhistes et celles du Phou Di, l’autrice a fait précéder chaque chapitre par une sentence de Bouddha. Le récit semble être au service de tous ces principes moraux, ce qui lui donne une tournure que je qualifierais de «  didactique ».
Cet aspect-là m’a dérangée, j’aurais préféré que tous ces enseignements soient dilués, discrets, distillés au fil du récit pour être au service de celui-ci, et non l’inverse. Mais peut-être cette manière d’écrire est-elle simplement due au style de l’autrice, sa culture ou son époque. 

Publié en 1937, ce roman est semble-t-il considéré comme un classique de la littérature thaïlandaise moderne. Je suis donc contente de l’ajouter à mon panel de littérature asiatique, jusqu’ici exclusivement chinoise et japonaise. 

Bonne lecture.



mercredi 4 septembre 2019

Blanche-Neige et la noix de coco


Comme chaque mois, Babélio organise un défi d'écriture. Pour ce mois de septembre, le défi est de réécrire un conte populaire à notre façon..

voici mon conte:




Il était une nuit, dans un royaume aux mœurs étranges, une princesse à la peau très blanche et à la chevelure très noire. 

Elle fut baptisée Blanche-Neige par son père, le Roi.

Dans ce pays, le critère de beauté était d’avoir un aspect fantomatique. Perpétuellement enveloppées de brouillard, les terres voyaient rarement le soleil, et les habitants avaient donc tout naturellement le teint blafard, un corps frêle et une vue de myope.

Blanche-Neige n’échappa pas à la règle. A vingt ans, elle était menue comme une enfant de 12 ans, et pour comble de malheur, elle ne pouvait se nourrir que de pommes, contrairement aux autres habitants, qui eux pouvaient en plus consommer des navets et des choux-fleurs.

A vingt ans donc, son père décida de la marier.

Il envoya des messagers aux quatre vents, histoire de trouver un prétendant exotique qui soit digne de sa fille unique.

Au fil des mois qui suivirent, certains messagers revinrent, porteurs de promesses de mariage.
D’autres ne revinrent jamais.

Après quelques semaines de tergiversations, les époux royaux, avec l’accord de leur fille, arrêtèrent leur choix sur un colosse blond, prince d’un royaume situé de l’autre côté de La Grande Bleue.

Les préparatifs du voyage prirent quelques mois supplémentaires, et Blanche-Neige, impatiente, employa son temps à rêvasser de cet ailleurs plein de promesses et d’aventures.

Enfin, le jour du départ arriva. La princesse embarqua, le pied léger, suivie de tous ses gens, et la cale du bateau pleine de pommes. 

Les premières semaines de ce voyage furent un ravissement, même si la princesse n’était autorisée à sortir de sa cabine que la nuit tombée, car il lui fallait absolument préserver son teint laiteux.

Cependant, comme toutes les bonnes choses ont une fin, cette paisible traversée se mua une nuit de pleine lune en une terrible tempête.

Au petit matin, Blanche-Neige se réveilla plus morte que vive, seule, presque nue, échouée sur une île déserte. 

Remise de ses émotions, elle fut stupéfaite par la lumière du jour, aveuglante, terrible, brûlante. Elle découvrir les couleurs, la chaleur, une faune et une flore luxuriante. Bref, le jour et la nuit avec son royaume de la brume.

Passé ce premier moment d’euphorie, elle avisa qu’il lui fallait organiser sa survie, en attendant les secours.

Par chance, elle put ramasser quelques pommes, échouées comme elle sur la plage. Elle les entreposa à l’abri et résolut de sillonner son île, à la recherche de fruits de même nature.
Il n’y en avait point.

Elle économisa donc sa petite réserve de pommes, en espérant quitter cette île maudite avant de mourir de faim.

Les jours passèrent et Blanche-Neige n’était plus tout à fait blanche, toute occupée qu’elle était à chercher des pommes, même sauvages. Son teint devint hâlé, et sa chevelure se para de mèches orangées, décolorées par un soleil implacable.

Finalement, ne voulant pas rendre son dernier souffle si jeune, elle décida qu’il était temps de diversifier son régime alimentaire. Elle porta donc son choix sur les noix de coco, qui se trouvaient alors en abondance sur la plage.

Après d’innombrables efforts, elle finit par en ouvrir une et se gorgea goulument de son eau.
Il ne se passa rien. Blanche-Neige était toujours en vie. Etait-elle réellement allergique à tout autre aliment que les pommes ? Lui avait-on menti toutes ces années ?

Confiante, elle préleva un petit morceau blanchâtre de la noix de coco, le porta à sa bouche et mastiqua en fermant les yeux, savourant ce goût totalement nouveau, puis l’avala… et s’effondra.

Telle aurait pu être la triste fin de la jeune princesse, mais le hasard voulu qu’une pirogue chargée de pygmées en voyage accoste sur cette île.

Ces pygmées avaient l’habitude de venir sur ce bout de terre, afin d’y récolter des noix de coco, car il n’y avait pas de cocotiers dans leur royaume.

Ils se dispersèrent donc sur la plage et commencèrent le ramassage des noix, lorsqu’un cri retentit.
Un des leurs avait en effet découvert Blanche-Neige, étendue non loin.

Tous s’agglutinèrent autour d’elle et cherchèrent à savoir pourquoi elle ne se réveillait pas, chacun y allant de sa théorie. Ils finirent par se disputer puis par se battre.

Au cours de la bagarre, un des leurs, le plus lourd et qui se nommait Heimlich, perdit l’équilibre et tomba sur la malheureuse princesse, manquant de lui broyer la cage thoracique. Cela eu tout de même l’immense avantage d’exercer suffisamment de pression pour expulser le bout de noix de coco qui était resté coincé dans la gorge de la jeune fille.

Elle se réveilla donc à la vie, suffocante, cherchant l’air, et découvrit en demi-cercle autour d’elle sept pygmées la regardant, subjugués par sa beauté.

Après avoir pesé le pour et le contre, elle décida de les suivre et vécut dans leur royaume, heureuse d’y découvrir de nouvelles variétés de pommes, toutes plus juteuses les unes que les autres.
L’histoire raconte même qu’elle y épousa le prince…