jeudi 14 janvier 2021

Le collier rouge, de Jean-Christophe Ruffin

 

 

L’histoire se passe après la première guerre, en août 1919, dans une petite ville du Berry.

Un juge militaire se présente à la prison afin d’auditionner l’unique prisonnier du lieu : Jacques Morlac.

Ce Morlac a apparemment commis un acte grave envers la Nation, alors qu’il était considéré jusque-là comme un héros, décoré de la Légion d’Honneur.

L’autre pièce importante dans cette affaire est un chien. Un grand chien en piteux état qui attend son maitre, Morlac, sur la place, en face de la prison. Il attend là, en aboyant nuit et jour, jusqu’à l’épuisement.

Et puis il y a Valentine, l’autre pièce importante dans le dénouement de cette histoire.

Le roman est très court, puisqu’il ne fait que 162 pages, mais il a une profondeur que je qualifierais de philosophique.

Au fil des pages s’installe un dialogue entre le juge et Morlac. Le premier tente de comprendre pourquoi le prisonnier a commis cet acte déshonorant, il semble vouloir sincèrement l’aider, pour en finir, tourner la page. Le second reste campé sur ses positions, il assume ce qu’il a fait et veut être condamné.

Et le chien dans tout ça ? Et Valentine ?

On comprend le pourquoi du comment bien plus tard dans le récit. Entre temps Morlac remonte le fil de ses souvenirs, et c’est là l’occasion pour le lecteur de prendre conscience de certains aspects de cette sale guerre, comme toutes les guerres du reste, et de tempérer son jugement, à l’image du juge militaire…

Le collier rouge est un roman sur la fidélité et l’amour, envers et contre tout, mais aussi sur la fraternité et le désir universel de paix. (Sauf pour les dirigeants belliqueux, qui eux n’ont pas à servir de chair à canon).

La plupart des jeunes hommes qui ont été envoyés à la guerre l’ont été contre leur gré, ne sachant même pas pour quoi ils devaient se battre, ni même s’ils en avaient envie.

Une génération a été sacrifiée, et les enfants nés pendant et juste après cette première guerre ont servi de chair à canon pour la deuxième guerre.

La géopolitique a la main mise sur le Monde, depuis toujours. Les peuples sont manipulés par les dirigeants qui leur insufflent quelques valeurs bien ancrées comme le patriotisme, l’amour de la Patrie et l’honneur. Ou bien, dans d’autres circonstances, agitent le spectre de la mort, de l’insécurité afin de les contrôler avec la peur. Et cela justifie toutes les décisions, toutes les mesures, même les plus absurdes. 

 

 


 

27 commentaires:

  1. Tu connais mon intérêt pour le sujet, pour peu que le regard porté sur le conflit, via un roman, le soit hors des sentiers battus de l’histoire officielle, dans la petite histoire des petites gens qui en pâtirent. « Le collier rouge » fait partie de ces œuvres-là.
    Je l’ai lu en 2014. Je fais ici confiance aux souvenirs résiduels, ces derniers néanmoins étayés par le ressenti écrit que j’en fis alors, et le film que j’ai vu il y a peu (je ne peux à son sujet être sûr de sa fidélité à l’œuvre écrite, ma lecture du roman s’éloigne trop dans le temps pour focaliser sur les détails).
    Mon ressenti est semblable au tien (je n’y reviendrai pas). Qu’ajouter si ce n’est que le Front armé est oriental (fait semble t’il assez rare dans la littérature romanesque traitant de WW1), que les alliés russes et leur Révolution d’Octobre 17, les bulgares de l’Axe dans les tranchées d’en face rêvant de l’utopie socialiste, pèsent de leurs poids dans les évènements.
    J’avais noté : « Une idée simple pour un roman court mais fort, servie par une écriture claire et efficace »
    Je souhaiterais revenir sur le chien. « Seul regret, celui de ne pas voir exploiter plus avant la filière du rôle du chien durant les combats de la Première Guerre Mondiale. « A l’ouest rien de nouveau » évoquait des chevaux morts éventrés sur les barbelés ou pendus aux arbres. Seule une petite bande d’actualités cinématographiques d’époque, m’a montrée il y a peu un chien bardé d’explosifs filant ventre à terre sous les tanks ennemis. La force brutale sait très bien exploiter les vies de ceux qui n’y sont pour rien, l’innocence animale et celle d’êtres à peine sortis de leurs campagnes. »

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Merci pour ton commentaire, qui vient compléter ma chronique. Il est vrai que je n'ai pas précisé que Morlac faisait partie de l'armée d'Orient,qui a combattu en Grèce.
      Pour le film, je dirais qu'il est assez fidèle au roman, sauf pour quelques petits détails, notamment à la fin, avec le destin du chien..

      Supprimer
  2. Je ne me souviens plus. Le film finit sur un happy end. Pas dans le roman ?

    RépondreSupprimer
  3. Bien gentillet le juge (du moins celui du film), au regard de ceux à l'origine des "fusillés pour l'exemple" de 17 (cf "Les sentiers de la gloire" de Kubrick). Il est vrai que "Le collier rouge" prend pied dans l'immédiat après-guerre et que l'apaisement, hein, l'apaisement ..!

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. hé oui, c'est l'après-guerre, et le juge lui-même est fatigué. Il compte quitter la vie militaire dès la fin de cette affaire et intégrer la vie civile.

      Supprimer
    2. Dans cette histoire j'ai surtout eu de la sympathie pour le chien et l'épouse. Et, en arrière scène, pour les soldats russes et bulgares prêts à basculer ensemble dans la promesse d'un nouveau monde, et l'oubli du pire: celui d'une guerre qui n'est celle de personne..

      Supprimer
    3. moi j'ai eu de la sympathie pour le chien ( évidemment)) mais aussi pour le juge ;-)

      Supprimer
    4. :-)
      Ok pour le chien.
      Le juge, quelque part, me semble en rachat de passé récent, le sien. Ill a enfin le temps d'une réflexion posée et humaine autour du cas Morlac. Il est en recherche d'une certaine logique de vie redevenue civile, d'une logique de carrière( A t'elle répondue à ses propres attentes initiales).
      Morlac est en perte de repères (tu m'étonnes). C'est quelque part une gueule cassée dans le sens psychique du terme.
      L'épouse se pose la question de sa propre responsabilité avec l'éveil politique qu'elle a apporté à Morlac.
      Le chien n'est que chien et ne comprend que sa fidélité.

      Supprimer
  4. Adolescent, feuilletant un gros bouquin très largement illustré sur 14-18, je vis sur la même page une même photo reproduite deux fois, une simple croix à la croisée de chemins. Seule différence: sur l'une était "Gott mit uns", sur l'autre "Dieu avec nous". La même entreprise pour deux directions commerciales différentes.Cà secoue

    RépondreSupprimer
  5. Pourquoi pas reprendre un Rufin avec ce titre là qui semble bien convenir à mes goûts. Et normalement, avec vos 2 avis concomitants, cela devrait le faire. Reste plus qu'à trouver l'occasion.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. oui, d'autant plus que c'est vite lu. Et sa plume est très agréable, simple et fluide, sans fioritures.

      Supprimer
    2. D'autres Ruffin à conseiller ? Je n'ai lu que "le collier rouge"

      Supprimer
    3. Le seul autre livre que j'ai lu de lui c'est celui-là:
      https://www.babelio.com/livres/Rufin-Sept-histoires-qui-reviennent-de-loin/264790

      j'en ai d'autres, mais pas encore lus..

      Supprimer
    4. Le titre qui revient, semble t'il, le plus souvent est "Rouge Brésil" dont je ne sais rien mais qui mijote quand même dans un lambeau de souvenir.

      Supprimer
  6. "Le titre qui revient, semble t'il, le plus souvent est "Rouge Brésil"", parce que Prix Goncourt 2001. Perso, j'ai lu L'Abyssin et Sauver Ispahan, 2 pavés mais dépaysant. Moi, j'ai Le Grand coeur en PAL.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. j'ai en PAL les 3 que tu cites : l'Abyssin, Sauver Ispahan et Le Grand cœur ^_^

      Supprimer
    2. Et si j'ai bien compris, l'Abyssin se lit en premier, et Sauver Ispahan est sa suite.

      Supprimer
  7. "j'ai en PAL les 3 que tu cites" : Les grands esprit… ;)

    "l'Abyssin se lit en premier, et Sauver Ispahan est sa suite" C'est ça.

    RépondreSupprimer
  8. https://www.francetvinfo.fr/societe/guerre-de-14-18/grande-guerre-le-role-determinant-des-animaux_3026665.html

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. un carnage.. j'ai plus de pitié pour les animaux que pour les humains.

      Supprimer
    2. « Qu’est qu’on pouvait faire comme mal aux hommes et aux bêtes … les hommes passe encore, c’était leur guerre. » Jacques Tardi in "C'était la guerre des tranchées"

      Supprimer
  9. Réponses
    1. chiens antichar.. affreux, dégueulasse.. l'homme associe les animaux à ses boucheries, les sacrifie

      Supprimer
    2. "Je vois que les cerveaux les plus intelligents de l'univers inventent des paroles et des armes pour que tout cela se fassent d'une manière encore plus raffinée et dure encore plus longtemps." E.M. Remarque in "A l'ouest rien de nouveau"

      Supprimer