mardi 27 avril 2021

C'est le coeur qui lâche en dernier, de Margaret Atwood

 

 

L’Amérique va mal.

Une grande partie du territoire s’enlise dans une crise économique épouvantable. Plus de travail, plus de logement.  Dans les rues c’est la misère, la violence, le danger.

Au milieu de tout cela, il y a un jeune couple : Stan, sans emploi, et Charmaine, sa femme, serveuse dans un bar miteux.

Le couple survit tant bien que mal avec le maigre salaire de Charmaine, contraint de vivre dans leur voiture.

Et puis un jour, Charmaine, l’optimiste et douce blonde aux yeux bleus, repère une drôle d’annonce. Une porte de sortie à ce présent sans issue.

Elle ne sait pas trop de quoi il s’agit, sinon que la proposition de cette annonce signerait la fin de leurs tourments. Ni une ni deux, elle arrive à convaincre son mari de se présenter aux tests de sélection afin de peut-être intégrer une nouvelle vie.

Cette nouvelle vie, c’est une ville. Ou, plus exactement une ville, «  Consilience », construite autour d’une prison, «  Positron ».  Le principe est qu’une fois admis à l’intérieur il n’est plus possible d’en sortir, à vie !

En contrepartie, chaque citoyen de Consilience/Positron a un travail, un logement et un scooter à sa disposition.

Un mois sur deux, une partie des citoyens sont des civiles, logent dans des maisons et ont un travail. Le mois d’après, ces mêmes citoyens doivent intégrer la prison Positron pendant la durée d’un mois complet. Tenue orange réglementaire, cellule et travail au sein de la prison.

Chaque mois il y a donc une permutation entre les alternants qui partagent le même logement un mois sur deux. Le tout de manière totalement anonyme.

Un jour, pourtant, Stan découvre un petit bout de papier avec un message enflammé d’une certaine Jasmine. Cette Jasmine est forcément la femme du couple d’alternants qui occupe leur logement lorsque lui et Charmaine sont en prison !

Stan devient dès lors complètement obsédé par cette femme qu’il cherche par tous les moyens à apercevoir les jours de permutation…

Cette histoire, qui semble se dérouler dans la normalité (si l’on accepte le principe restrictif de cette drôle de vie entre les murs de Consilience/Positron), se déchaine bientôt dans le désordre le plus total, tout en conservant les aspects de la normalité.

L’auteure nous livre ici une étude des comportements humains des plus savoureux. Entre besoin et recherche de la stabilité, du confort, de la sécurité, et la nécessité plus ou moins marquée de contrôler les sociétés humaines, il peut y avoir plusieurs degrés.

Dans cette ville ces principes sont portés à un très haut niveau, et pourtant tout le monde semble y être heureux.  Chacun semble accepter comme une nécessité équitable de partager son temps entre liberté civile et emprisonnement. Comme si les règles de la surveillance et de la contrainte étaient garantes d’une vie sans soucis, d’un chemin tracé sans prises de décisions.

Mais, car il y a un mais, l’Homme étant ce qu’il est, il y a toujours des éléments discordants, et là, tout peut partir en éclats.

Dans ce récit, des choses graves sont abordées. Des problèmes éthiques qui ne donnent pas forcément envie de sourire, mais la plume de l’auteure est légère et pleine d’humour, ce qui n’en fait pas du tout une lecture pesante, bien au contraire.

J’ai trouvé cette plongée dans les abimes de la conscience succulente. Ces petits arrangements que nous sommes capables de faire avec nous-mêmes pourvu que l’on soit acceptés par un groupe, ou la société. Ne pas faire de vague, ne pas décevoir, faire son devoir.

Et le plus fort dans tout cela est sans doute la suggestion mentale. Elle a un pouvoir quasi miraculeux !

Au final, qu’en pensez-vous ? L’Homme est-il fait pour être dirigé, contrôlé, sécurisé ? Ou bien doit-il se comporter comme un adulte, prendre ses responsabilités, aller de l’avant, affronter l’incertitude, prendre des décisions, assumer ses choix ?

Voici l’avant dernière phrase de ce roman :

«  Le monde s’offre à vous, riche de possibilités »

Alors, à prendre ou à laisser ?

Bonne lecture.

 


7 commentaires:

  1. Une dystopie ... et une fin semble t'il ouverte s'ouvrant sur un choix. Le mien est simple, celui de rester libre et clairvoyant.

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    1. même ton choix relève de la SF alors...

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    2. ... simplement le désir/l'espoir d'entretenir une illusion. Sinon...

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  2. Je croyais que le style de Margaret Atwood n'était pas des plus plaisant mais tu laisses penser le contraire. Il va peut-être falloir que je me fasse mon propre avis.

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    1. Ma prochaine lecture pour cette auteure, ce sera " La servante écarlate" . Parait que la série est top :-)

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    2. Le style, c'est à dire? c'est pas du Zola en tt cas.. c'est un style moderne, sans lourdeur. L'attrait c'est l'histoire, pas vraiment la beauté des mots et des tournures :-D

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    3. J'ai trouvé la série très esthétique mais elle tourne un peu en rond. Pour le style, c'est sur La servante écarlate que j'ai entendu que c'était un peu lourd. Peut-être un problème de traduction? Tu nous diras.

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