vendredi 17 avril 2015

L'architecte du sultan, de Elif Shafak





Après «  Soufi, mon amour », « l’architecte du sultan » est la deuxième merveille à passer entre mes mains, et Elif Shafak fait désormais partie de mes auteurs favoris !

J’aurais tellement de choses à dire sur ce roman que je ne saurais même pas par où commencer.

Je viens tout juste d’en terminer la lecture, et mon cœur est lourd d’émotions. Ce livre m’aura apporté joie, tristesse, enchantement, rêve, magie ….
Rien que la couverture est une invitation au dépaysement exotique, et sitôt la première page tournée nous voilà transporté au 16ième siècle, au cœur de l’empire ottoman.

Istanbul, la ville aux sept collines m’a happée, envoutée, emprisonnée dans ses filets, tantôt ornés de richesse, exubérance, finesse, et tantôt entachés de malheurs, pauvreté, calamités et deuils.

C’est un magnifique conte oriental que l’auteure a truffé de faits et personnages ayant vraiment existé.
Le titre du livre incarne à mon sens deux hommes : l’architecte impérial Sinan, figure historique qui aura marqué Istanbul et ses environs d’innombrables constructions (Mosquées, ponts, hôpitaux, ..) et qui  ont traversé les siècles jusqu’à nos jours. Et puis il y a Jahan, le héros de notre roman, un personnage fictif qui endossera le rôle d’un des quatre apprentis de maître Sinan. En fin de compte, il sera lui aussi un grand architecte.

Jahan arrivera dans le joyau de l’empire ottoman à l’âge de 12ans en compagnie de Chota, un éléphanteau blanc. Ensemble ils grandiront comme deux frères et seront confrontés aux turbulences de la vie.
A travers l’histoire de Jahan, Elif Shafak nous plonge dans ce siècle de magnificences  et de cruautés.

Je suis enchantée par ce roman. Je ne me suis jamais ennuyée, à aucun moment, tant l’écriture est rythmée, fluide et prenante. Difficile également de quitter tous les personnages, aussi attachants les uns que les autres…

Excellente lecture. 



Quelques extraits du roman: 

* Si Jahan voulait survivre dans le sérail, décida-t-il, il devait se construire un harem intérieur et y mettre sous le verrou chaque peur, souci, secret et chagrin d'amour qui avait terni son âme. Il serait à la foi le sultan et l'eunuque de ce harem. Et n'autoriserait plus personne à y jeter un coup d’œil. Y compris son maître. 

*  Le centre de l'Univers n'était ni à l'est ni à l'ouest. Il était là où on se soumettait à l'amour. Parfois c'était l'endroit où on enterrait un être aimé. 

*  Comme c'était étrange. Pendant qu'il courait après des rêves qui n'arriveraient jamais et en voulait à la vie de les lui refuser, des gens lui étaient venus en aide sans attirer l'attention sur eux-mêmes. Des gens qui avaient donné sans rien attendre en retour. 

*  Majnoun Shayk parlait d'amour - de Dieu et de nos frères humains, de l'Univers dans sa totalité jusqu'à la plus infime particule. La prière devrait être une déclaration d'amour, d'un amour dépouillé de toute anxiété ou attente, disait-il. Il ne fallait ni craindre de bouillir dans un chaudron ni rêver de vierges houris, puisque l'enfer et le ciel, la souffrance et la joie, se trouvaient ici-bas maintenant. Combien de temps allez-vous rester éloignés de Dieu, demandait-il, au lieu de vous mettre à l'aimer ? 

*  ... Sinan dit que le savoir, ilm, était un carrosse tiré par de nombreux chevaux. Si l'un des destriers se mettait à galoper plus vite, les autres chevaux devraient accélérer eux aussi, et le voyageur du carrosse, alim, en bénéficierait. Le progrès dans un domaine entraîne le progrès dans d'autres. L'architecture doit être amie de l'astronomie; l'astronomie de l'arithmétique; l'arithmétique de la philosophie, et ainsi de suite. 

*  Jahan avait le sentiment qu'en vérité ce monde lui aussi était un spectacle. D'une manière ou d'une autre, tous paradaient. Ils exécutaient chacun leurs tours, certains restaient en place plus longtemps, d'autres étaient plus brefs, mais pour finir ils sortaient tous par la porte du fond, tous également insatisfaits, avec la même soif d'applaudissements. 

*  Les quatre faces du Taj Mahal sont dessinées à l'identique, comme s'il y avait un miroir situé sur un côté, sans qu'on puisse jamais dire lequel.
La pierre réfléchie dans l'eau. Dieu réfléchi dans les êtres humains. L'amour réfléchi dans le cœur brisé. La vérité réfléchie dans les contes.
Nous vivons, travaillons, mourrons sous le même dôme invisible. Riches et pauvres, mahométans et baptisés, libres et esclaves, hommes et femmes, sultan et cornac, maître et apprenti...
J'en suis venu à croire que s'il existe une forme qui parle à chacun de nous, c'est le dôme. Là toutes les distinctions sont abolies et chaque son, de joie comme de chagrin, se fond dans le vaste silence d'un amour qui embrasse tout.
Quand je me représente notre monde sous ces traits, je me sens étourdi et désorienté, ne sachant plus dire où commence le futur; où se couche l'Occident et où se lève l'Orient.



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