L'auteur suisse met ici en lumière des vérités qu'il est bon de connaitre..
Quelles sont les forces qui gouvernent notre monde? Comment agissent-elles? Y a-t-il, pour les pays les plus pauvres, un moyen d'y échapper?
On pense savoir certaines choses, avec plus ou moins de clarté, mais il est très utile quelques fois de s'y pencher de plus près, d'approfondir ses connaissances, d'ouvrir l’œil...
J'ai choisi de copier une partie du chapitre sur la dette, parce que je l'ai trouvée très " parlante". Elle montre bien ce qui se joue sur l'échiquier mondial:
Le Rwanda: Dette odieuse
D’avril à juin 1994, sur les collines du Rwanda, les soldats
de l’armée régulière et des miliciens interhamwe (en banyarwanda, Interhamwe
veut dire « ceux qui tuent ensemble ») assassinèrent
systématiquement les enfants, femmes et hommes de l’ethnie tutsi, ainsi que des
milliers de Hutus opposés au régime.
A cette époque, les Nations unies
maintenaient au Rwanda un contingent de Casques bleus de plus de 1300 hommes
retranché dans des camps militaires protégés par des barbelés, ici et là à
travers le pays.
A l’heure des massacres, des
dizaines de milliers de Tutsis implorèrent l’aide des Casques bleus, demandant
à pouvoir se réfugier dans les camps sécurisés. Mais les officiers onusiens
refusèrent avec constance. Les ordres venaient de New York, du Conseil de
sécurité, par l’intermédiaire du sous-secrétaire général au maintien de la
paix, Kofi Annan.
Alors que le génocide avait
commencé, la résolution n° 912 du 21 avril 1994 du Conseil de sécurité réduisit
même de moitié le nombre des soldats au Rwanda.
Entre 800 000 et 1 million de
femmes, de nourrissons, d’enfants, d’adolescents et d’hommes tutsis (et hutus
au sud) furent ainsi massacrés en cent jours. Sous l’œil impassible des Casques
bleus des Nations unies.
De 1990 à 1994, les principaux
fournisseurs d’armes et de crédits au Rwanda avaient été la France, l’Egypte, l’Afrique
du Sud, la Belgique et la République populaire de Chine. Les livraisons d’armes
égyptiennes étaient garanties par le Crédit Lyonnais. L’aide financière directe
venait surtout de France. De 1993 à
1994, la République populaire de Chine avait fourni 500 000 machettes au
régime de Kigali. Des caisses pleines de machettes, payées sur crédit français,
arrivaient encore par camions, venant de Kampala et du port de Mombassa, alors
que le génocide avait déjà commencé…
Les génocidaires furent finalement
défaits par l’avancée de l’armée du Front patriotique rwandais, constitué par
de jeunes Tutsis issus de la diaspora ougandaise. Kigali fut prise en juillet
1994. La France, pourtant, continua à livrer des armes, par Goma et le
Nord-Kivu, aux derniers génocidaires réfugiés sur la rive orientale du lac
Kivu.
La France de François Mitterrand a
joué, au Rwanda, un rôle particulièrement néfaste. Des officiers français ont
soutenu et, le jour de la défaite venu, exfiltré les génocidaires et leurs
commanditaires politiques.
Les analystes qui font autorité l’expliquent
ainsi. La dictature hutu du président Habyarimana était un régime francophone ;
le Front national rwandais, qui le combattait, était constitué majoritairement
par des fils et des filles de réfugiés tutsis, nés en Ouganda, et donc
anglophones. C’est au nom de la défense
de la francophonie que François Mitterrand accorda un soutien sans faille aux
tueurs génocidaires. En outre, des liens d’amitié attachaient le président
français à la famille du défunt dictateur hutu rwandais, Juvénal Habyarimana.
Le nouveau gouvernement a hérité d’une
dette extérieure d’un peu plus d’un milliard de dollars. Arrivant au pouvoir
dans un pays complètement dévasté et considérant qu’ils n’avaient aucune
obligation morale à rembourser des crédits qui avaient servi à financer l’achat
des machettes avec lesquelles on avait découpé leurs mères, frères et enfants,
les nouveaux gouvernants demandèrent aux créanciers de suspendre, voire d’annuler,
le remboursement. Mais, conduit par le Fonds monétaire international et la
Banque mondiale, le cartel des créanciers refusa finalement tout arrangement,
menaçant de bloquer des crédits de coopération et d’isoler financièrement le
Rwanda dans le monde.
C’est ainsi que les paysans rwandais,
pauvres comme Job, et les rares rescapés
du génocide s’échinent aujourd’hui encore à rembourser, mois après mois, aux
puissances étrangères les sommes qui ont servi aux massacres.
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